*Madeleine JACOB (1896-
1985, journaliste à Libération puis à l'Humanité, ses
articles vindicatifs lui valurent beaucoup de haine. A couvert le procès
de Céline au Danemark) : " (...) J'ai pas recherché... croyez-le... les
circonstances !... aucun plaisir ! je trouverais un soir Madeleine
JACOB en plein cancer envahissant du ligament large, j'admets, je
suppose... je serais pas comme Caron !... sûrement non !... à
l'éventrer, écarteler, et la suspendre par sa tumeur à un croc... non !
qu'elle se vide complètement, en lapine pourrie... non !...
Sans aucune coquetterie putaine, " à la
Schweitzer " ou " l'abbé " non ! je peux dire et le
prouver, je suis le charitable en personne ! même envers
le plus pire rageur haineux... le plus pustuleux,
tétanique... que même avec des pincettes, par exemple
Madeleine, vous vous trouvez mal, qu'elle existe
!... syncope de hideur ! moi là qui vous cause, vous me
verrez vaincre mes sentiments ! peloter, mignoter la
Madeleine ! me comporter le vif aimant ! ardent !
comme s'il s'agissait de l'abbé Pierre ! ou de l'autre
apôtre... " Tropic-Harmonica-Digest ! "
(D'Un château l'autre, Gallimard, folio, p.148).
* Michel De JAEGHERE
(journaliste et écrivain): " En dépit du scandale, et de
la malédiction qui le frappe depuis 1945, on a désormais
renoncé à contester l'ampleur de
son génie littéraire. Il s'impose aux plus réticents.
Céline ne s'est pas contenté, en inventant un style, de
faire entrer la langue parlée dans le langage écrit, la
gouaille populaire dans le corps de la narration. Il en
a démultiplié l'expressivité, la drôlerie, la puissance
émotive par une inventivité prodigieuse dans le choix du
vocabulaire, la multiplication des métaphores, une
prédisposition de carabin à transposer le langage du
corps dans le roman. Il a imprimé à la phrase un rythme
étourdissant, comme pour la rendre capable d'exprimer
l'accélération du siècle.
Inventé un système d'assonances, de voltes et de
ruptures de ton qui donnent à sa prose une musique
inimitable. Fouillé le tréfonds des âmes et mis en scène
le vertige de la condition humaine avec une intensité
sans exemple. Donné naissance à une profusion de
personnages picaresques dont les silhouettes, les mille
voix particulières font de son œuvre romanesque un
immense opéra. Accumulé, au fil des pages, un nombre
impressionnant d'observations, de notations sur les
ridicules et les impostures de la vie sociale, les aléas
de l'histoire, les trahisons de la vie, le
vieillissement des êtres, dont la justesse saisit le
lecteur de stupeur et d'admiration. Fait sourdre au cœur
des ténèbres un humour dévastateur qui le maintient dans
un état de jubilation permanente. "
(Editorial, Le Figaro Hors-Série, mars 2011).
* Claude JAMET (journaliste,
romancier 1910-1993): " Tous les autres, ils ont tous
l'air d'être en papier. Papier de luxe, bien entendu.
Ils sont exquis, infiniment subtils et précieux ; mais
ce sont tous des écrivains de plume - vous comprenez ? -
tandis que Céline, seul est à poil ! Leur affaire est
dans leur stylo ; entre leur cervelle, grise, leur
stylo, noir, et la page, blanche.
Tandis que
Céline, à la rigueur, pourrait se passer de tous ces
accessoires. Il a ses tripes, son sang, son cœur, une
bouche - et nous, nous avons des oreilles. Les autres
sont des esprits, qui écrivent. Lui, c'est une bouche
qui parle. Une bouche d'égout, si vous voulez. Une
bouche de nuit, et de flamme, béante, comme un cratère
en perpétuelle éruption. Le plus haut parleur, le
pick-up forcené ! La plus grande gueule du siècle vingt.
"
(La céline comédie, Images mêlées, L'Elan, 1947).
* Serge JULY:
" Sartre était le parrain de Libération. Je suis
de la génération élevée dans l'existentialisme, mais
pour le style du journal qui s'est démarqué de celui des
autres journaux, il faut remonter à Céline, car c'est
lui qui a écrit pour le peuple, qui a écrit en langage
parlé. C'est lui le premier, c'est lui la révolution. "
*
Jean-François KAHN :
Pour ou contre la réédition des pamphlets ?... " Pour.
Le critère du " danger " invoqué par les
apprentis-censeurs est le plus mauvais critère qui soit.
Je constate qu'il est employé dans les pays totalitaires
où l'on justifie l'interdiction de certains ouvrages en
prétextant qu'ils menacent la société ou troublent la
population. On doit pouvoir tout publier. "
(BC, novembre 1984).
* " Deux poids, deux mesures.
Jean-François KAHN a écrit dans Les Nouvelles
littéraires (24 avril 1980) : " Sartre s'est-il plus
souvent trompé que Céline ? " Intéressante question.
L'inconvénient, c'est que Sartre a eu des funérailles
quasi nationales, tandis que Céline est mort en paria.
Avoir été fasciste est-il en soi plus déshonorant
qu'avoir été socialiste ou communiste ?
Une chose est sûre : pour la renommée future,
mieux vaut avoir été antisémite comme Brecht que comme
Béraud. Mieux vaut avoir été commissaire bolchevik aux
Beaux Arts dans la Russie de 1917, comme Marc Chagall,
que sculpteur dans l'Allemagne de 1933. Mieux vaut avoir
été Aragon, qui publia des hymnes à la Gestapo
soviétique, ou Benjamin Péret qui, installé à Mexico,
dénonça la poésie résistante. "
(Alain de Benoist, Le Figaro-Magazine, 14 juin 1980, BC , mars 1996).
* Hans-Erich KAMINSKI
(journaliste, écrivain 1899-1963): " Un mois après
l'arrivée d'Hitler au pouvoir, il gagne Paris, où il se
lie avec les milieux anarchistes. En octobre
1936,
il visite l'Espagne en pleine guerre civile avec Anita
Garfunkle sa compagne, Arthur Lehning et l'anarchiste
lithuanienne Emma Goldman. En 1940, KAMINSKI et
sa compagne quittent la France défaite par le port de
Marseille, gagnent Lisbonne où ils tentent sans succès
de passer aux USA. En 1941, ils obtiennent , grâce à
l'anarchiste argentin Diego Abad de Santillan les
passeports nécessaires pour émigrer à Buenos-Aires.
C'est là que meurt KAMINSKI en 1961 ou 1963 la
date est incertaine.
Si l'anarchiste KAMINSKI a
pris Céline en haine en 1938, c'est à la suite de la
publication de Mea culpa, dont on sous-estime
l'impact auprès des sympathisants communistes et de
Bagatelles pour un massacre, sorti de presse deux mois
plus tôt. Céline dira en août 1947 à Milton Hindus : "
C'était un juif polonais, un journaliste qui m'admirait. Il
m'avait d'abord dédié quelque chose, comme Sartre
d'ailleurs. Et puis, pendant la guerre civile espagnole, il
m'a pris en haine. Mais son livre est ennuyeux. Aucun
intérêt. Si quelqu'un m'attaquait de façon spirituelle , je
l'inviterais à ma table, parce qu'il serait de ma famille...
"
(www.thyssen.com).
*
Jean-Paul KAUFMANN : " Céline est l'exemple parfait
de l'obsessionnel qui n'a rien compris mais qui a tout
prévu. Avant lui il y a Proust. Lui, en revanche, a
tellement tout compris qu'il a exténué le genre. Proust
et Céline, les deux voitures piégées de notre
littérature.
Après eux, que faire ? Il
y a ceux qui ramassent les débris pour tenter de
reconstituer la forme disparue et ceux qui s'évertuent à
rechercher l'origine de la déflagration. Mais quand
sortirons-nous enfin de la commotion ? "
(Lire, été 1997).
* Robert KEMP
(journaliste, critique littéraire, critique dramatique,
élu à l'Académie
française,
1879-1959): " Il est difficile de discerner le véritable
dessein de M. Céline.
Sûrement,
il n'a pas voulu faire une satire vengeresse du monde
moderne. Son exagération, cette délectation qu'on lui
devine à retourner, faire voir par-dessus par-dessous
tout ce qu'il y a d'abject au monde, n'est pas d'un
Juvénal. Juvénal souffrait... S'il fait rire, on le
comparerait plutôt à Rabelais. Mais il s'ébroue dans
toute cette misère avec une satisfaction lugubre ; il a
la scatologie dégoûtée, et son vocabulaire n'est pas
gai...
Bardamu insulte de nobles choses. Pourtant je ne lui en
veux pas. Presque pas. Il y a en lui une force qui
l'entraîne, une force à demi aveugle. Son pessimisme ne
lui laisse voir que le sale du monde ; tout le propre
lui échappe. Pauvre Bardamu ! (...) Gênante, et
peut-être haïssable, dans son ensemble, cette œuvre
fourmille de traits admirables ! L'acuité de la vision,
la raideur avec laquelle sont assenées les railleries,
la saveur âcre des descriptions...On a presque envie de
dire que M. Céline est un grand écrivain ! Il n'y a
longtemps que le feu d'artifice du naturalisme est tiré.
Mais on avait oublié le bouquet. Le voici. Maintenant,
est-ce fini ? Oui ? Allons, tant mieux ! "
(La Liberté, 28 nov.1932, 70 critiques de
Voyage...Imec Ed. 1993).
* Guy KONOPNICKI (journaliste): Quoi que l'on en
pense, la littérature demeure un enjeu majeur. Stéphane
Zagdanski le prouve dans Mémoires (éd. Julliard).
Irritant, prétentieux à l'excès, mais écrit tout de même
! Avec une manière d'imposture de la vérité : Zagdanski
joue à l'écrivain-martyr, à cause de l'étrange accueil
qui fut celui de son Céline seul.
Zagdanski, seul écrivain juif découvrant la singularité
de Louis-Ferdinand Céline ? Allons ! Nous sommes
quelques-uns à partager cette contradiction
insoutenable. Etre juif, né en France dans les années
d'après-guerre, et savoir ce que la littérature
contemporaine doit à Céline plus qu'à tout autre. "
(Information
juive, mai 1997).
*
Georges LAFFLY
(journaliste, écrivain):" Céline, maudit et illustre,
est en passe de devenir l'écrivain le plus célébré en
même temps que le plus interdit : les quatre
pamphlets
ne sont pas réédités, mais on déniche partout inédits et
lettres. Les études sur sa vie et son œuvre se
multiplient. Hommage au génie, sans doute - mais
d'autres génies sont moins assaillis par les
projecteurs. Il faut compter avec les affinités entre
cette œuvre et notre temps.
A
cause de son pessimisme. A cause de sa fascination pour
les catastrophes. Céline montre l'homme écrasé par les
lois et les machines, trompé par les autres hommes,
menacé par les écroulements. Sa lumière est la lueur
sulfureuse de l'Apocalypse. Il est difficile de ne pas
être sensible à la fameuse " petite musique " de la
phrase célinienne, et difficile de résister à ce torrent
d'imprécations, de cris de colère, aux jérémiades de ce
Jérémie... "
(Le Figaro-Magazine, 9 janvier 1988).
* La
GERBE (journal collaborationniste fondé en 1940 par
l'écrivain Alphonse de Châteaubriant): " Au journal "
La GERBE
" / Je donnerais volontiers aux flammes toutes les
cathédrales du monde si cela pouvait apaiser la Bête et
faire signer la paix demain. Deux mille années de
prières inutiles, je trouve que c'est beaucoup. Un peu
d'action ! Demain l'on fera sans doute une architecture
en trous ! Pas de flèches ! Les leçons de la guerre
auront porté. Par terreur des bombes, nos descendants
vivront sans doute dans le Tous à l'égout. / Ainsi
soit-il ! "
Céline répondait à une enquête de La GERBE " Les
Elites françaises devant le saccage de la France ". Il
s'agit de destructions causées par les troupes alliées
qui libèrent la France: destruction de villes comme
Caen, Lisieux, Bayeux qui possèdent des églises
anciennes. "
(Lettre du 22 juin 1944, Lettres, Pléiade 2010).
*
Philippe LANCON (grand reporter, critique,
écrivain): " On ne lit pas les lettres de Céline pour
les croire ou s'en indigner. On les écoute. Ce sont
d'abord des expériences musicales, de petites notes
rapides, joyeuses et surprenantes qui font descendre et
monter les tristes portées de la condition humaine.
Les romans sont des concertos, des symphonies : les
lettres, c'est de la musique de chambre. "
(Libération, 29 novembre 2007, dans Spécial Céline
n°8, E. Mazet).
*
Pierre LAZAREFF:
" En juin 1967, l'émission télévisée " Bibliothèque
de poche ", présentée par Michel Polac, interviewa
ce grand patron de presse sur ses goûts littéraires.
Sans détours, il dit son admiration pour l'auteur du
Voyage au bout de la nuit qu'il eut le privilège de
lire en manuscrit. - " Un auteur comme Céline, ce qu'il
a pu faire dans sa vie, il a trop de génie pour que je
m'en occupe. " - C'était, il est vrai, il y a plus de
quarante ans. Autre époque... "
(BC, avril 1995).
* Morvan LEBESQUE
(journaliste et essayiste breton, rédacteur en chef de
Carrefour, 1911-1970): " Ma réponse, comme dit
l'autre, sera brève. Je n'ai pas à connaître de la
carrière politique de Louis-Ferdinand Céline, le domaine
politique m'étant totalement étranger.
Je considère
Louis-Ferdinand Céline comme le plus grand romancier
vivant avec Faulkner et le seul écrivain français de ce
siècle qui ait comblé le fossé entre la littérature et
le peuple. Je propose donc qu'on le fasse revenir en
France avec les égards qui lui sont dus.
(Le Libertaire, janvier 1950).
*
François LEGER (journaliste et militant royaliste):
" Il me semble que, lorsqu'on parle de Céline, on parle
toujours trop vite des
séquelles de ses blessures de guerre. On parle de son
bras, on dit qu'il fut réformé à 70 % mais on oublie
qu'il eut aussi l'oreille interne bousillée et que
ses nuits furent dès lors un martyre de boucan, de
tintamarre, de cloches, de sifflements de trains qui se
tamponnaient dans sa tête. Il le supporte.
Il avait trouvé des positions dont il ne fallait pas
qu'il bouge et tâchait de s'y tenir, mais en songeant à
cette torture persistante, on comprend mieux l'horreur
qui s'est emparée de lui lorsqu'à la fin des années
trente, il découvrit qu'un complot monstrueux se nouait
pour déclencher une seconde fois l'enfer sur notre monde
et que ce complot n'était pas seulement très avancé
Outre-Rhin, qu'il ne l'était pas moins ici. On s'indigne
de ce que furent alors ses outrances mais elles
jaillirent au spectacle du gouffre vers lequel notre
peuple s'avançait comme un somnambule. Il y avait de
quoi hurler pour tenter de le réveiller. Maurras l'a
fait comme Céline. Ce fut un des honneurs de leurs vies.
"
(Aspects de la France, 15 oct.1987, dans BC n°64).
* Charles LESCA
(journaliste franco-argentin, administrateur de Je
suis Partout, 1871-1948): " Mon cher LESCA, /
Décidément la presse est écœurante et les journaux dits
de combat plus conformistes que tout le reste -
Prudhommes d'avant-garde (ou
d'avant-guerre) - pendant (ou perdant) la guerre,
cocoriquistes - il suffit à présent qu'on embouche:
Croisade ! pour les voir tous pompiers à mort ! mais nom
de dieu ! Personne parmi vous n'aura donc le courage de
secouer les mots d'ordre, les impératifs de censure !
Merde ! Personne n'osera hurler à l'escroquerie de cette
Croisade pour laisser tous les juifs plus jamais en
toutes les places pendant qu'on envoie les derniers
Français aryens crever dans les steppes ! Rien
n'est dit, rien n'est encore ébauché - !!! Quelle
honte ! Vive Worms dans ce cas.
Et puis ces chefs sur estrade. Allons enfants ! et qui
se planquent n'est-ce point merveilleux sujet et
merveilleux tirs et massacres ! mais ils sont tous
devenus juifs aussi ficelles, aussi cabots, aussi
lâches et vendus ! N'allez point croire surtout que je
recherche des alibis = JE PARS DEMAIN (avec mes 75%
d'invalidité) et sans grimace. (Après tout je suis
le premier qui ait recommandé l' Armée franco-allemande)
si les écuries sont nettoyées avant le départ -
Après ?? on me l'a déjà joué deux fois - 14 - 39 - !
trois c'est trop ! / Con peut-être mais veule à ce point
! non ! / Publiez ma lettre si vous voulez - / LFC. "
(Lettre avant le 23 juillet 1941, Lettres, Pléiade
2010).
*
Jacques de LESDAIN
(rédacteur en chef de L'Illustration,
collaborateur épuré en 1944): " Je m'attendais à
découvrir dans le nouvel ouvrage de Céline une prise de
position nette et sans ambages sur les questions
politiques et sociales actuelles. J'étais persuadé que
l'homme qu'avaient troublé les possibilités, puis les
probabilités,
d'une
guerre stupide, qui avait dénoncé l'œuvre nocive des
Juifs et l'aboutissement monstrueux et sanglant dans
lequel leurs criminelles manigances devaient nous
culbuter, trouverait dans les tragiques circonstances de
ces quatre dernières années le magnifique tremplin d'un
élan vengeur et d'une revendication puissante des droits
réels des communautés.
Il ne m'était pas venu à l'idée qu'il pourrait écrire
quelques centaines de pages bourrées de descriptions
grossières, inlassablement répétées, sans que se fassent
jour des revendications en accordance avec les angoisses
que nous subissons. J'ai dû, cependant, me rendre à la
réalité.
Guignol's band
n'est pas autre chose qu'un kaléidoscope d'images
pénibles, souvent ordurières. C'est, si l'on préfère,
une fresque tout au long de laquelle sont dessinés des
voyous, des souteneurs, des filles, des proxénètes, des
fous et des voleurs. Que vous commenciez le livre par le
début ou par la fin, il n'a pas plus de sens, pas plus
d'utilité. Un talent supérieur s'est appliqué à narrer
pendant trois cent quarante-huit pages les aventures,
imaginaires en général, mais parfois vraisemblables d'un
monde d'arsouilles, de lamentables comparses de déchets
d'humanité. "
(Il
est heureux qu'il soit inimitable, A propos de Guignol's
band, Aspects, Paris, 2 juin 1944, Les critiques de
notre temps et Céline, Garnier, 1976).
* Paul
LEVY
(patron de presse, directeur de Aux Ecoutes, 1886-1959):
" Je lui raconte que Céline est dans une situation
désolante. Après avoir refusé
son extradition, le gouvernement danois l'a emprisonné
pendant dix-huit mois. Il est aujourd'hui malade et
réfugié dans une chaumière qu'il chauffe avec de la
tourbe... Je m'arrête et Paul LEVY, reste un
instant silencieux... " Comment, dit-il enfin, peut-on
faire tant de mal à cet homme ! Cet immense écrivain qui
a le droit de tout dire ! Faites tous les échos que vous
voudrez dans Aux Ecoutes et dites à Céline que je
mets cent mille francs à sa disposition. "
Céline, bien sûr, n'accepta pas l'argent, mais il fut
ému par tant de courage et d'amitié : " Ce LEVY a
plus d'honnêteté que les Aryens habituels, laquais et
donneurs par destination. " Céline parlera plusieurs
fois de ce qui le rapprochait de Paul LEVY : le
privilège de l'âge, hélas... et le souvenir tragique de
la guerre qu'ils n'auraient jamais voulu revoir. "
(Pierre Monnier, La France, 20-26 nov. 1991).
* " Céline est une personnalité puissante,
qui a toujours eu besoin de se " ventiler ". A ce point
de vue, on peut le rapprocher de Bernanos. Si on ne voit
pas d'abord en lui l'écrivain, et j'ajouterai le poète,
car il est un grand poète lyrique, on pourrait être
tenté de le juger sévèrement.
Mais malgré les apparences, Céline a toujours été et est encore au-dessus
de la mêlée.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes
sentiments distingués. Paul LEVY.
(Réponse à une enquête sur le " procès Céline "
organisée par Maurice Lemaître et lancée par Le
Libertaire, numéros du 13 et du 20 janvier 1950, dans "
C'est un Rêve ", n°9/n°10, Spécial Céline).
*
DROIT de VIVRE (journal de la LICRA): " Monsieur, / Résistant ?
en effet et autrement que vous merdeux mouchard lâche ! Le 20 nov
1914 - médaillé militaire - mutilé de guerre 75 % - engagé
volontaire non aux délateurs bourriques mais aux Cuirassiers, et
rengagé encore dans la marine en 39 ! malgré tout ! argousins !
Autre chose...où avez-vous lu, pourriture, une ligne de moi
réclamant " l'assassinat massif des juifs " ??? Saloperie !
J'ai demandé à ce que les juifs, certains juifs, ne nous
poussent pas au massacre, à la catastrophe, à l'abattoir
! C'est bien différent, C'EST TOUT LE CONTRAIRE, et vous
le savez. C'est vous qui poussez, qui avez toujours
poussé les juifs, vos frères à l'abattoir, par vos
provocations, les criminels sont chez vous, les traîtres
sont chez vous. Et vous le savez aussi, parfaitement -
dans votre hystérie - dans votre mensonge - dans votre
jalousie. / L. F. Céline. "
(Lettres 2009, au " Droit de vivre ", le
20-2-1948).
*
L'HUMANITE
(journal communiste fondé en 1904 par le dirigeant
socialiste Jean Jaurès): " Au Directeur de L'HUMANITE,
/ Moi ce qui me surprend Monsieur, c'est que
Monsieur
Maurice Thorez, déserteur à l'ennemi en temps de guerre
ne se trouve pas encore au Panthéon. Ce qui me surprend
aussi c'est que vous n'appreniez pas à vos lecteurs que
Mr Aragon et Mme Triolet ont traduit dès 1934 le
Voyage au bout de la nuit en russe sur l'ordre du
gouvernement russe. Vous êtes mal décidé à la vérité.
Vous pourriez encore leur
apprendre que je suis engagé volontaire des deux
guerres, médaillé militaire depuis Novembre 1914, mutilé
de guerre 75%. C'est drôle, n'est-ce pas ? Ah vos
lecteurs sont décidément très mal informés ! Je ne
réponds pas au Bossu. Je ne réponds pas aux anonymes, je
vous réponds à vous Monsieur le Directeur. Je ne vous
traite de rien du tout sauf d'être un mauvais
informateur. / L.F. Céline. / Rabatteur d'échafaud ? On
vous l'a dit trop souvent ! de toutes parts ! des
grossiers ! " (Lettre au Directeur de L'Humanité du 31 oct.1949,
Lettres Pléiade 2010).
*
Jean LUCHAIRE (journaliste, patron de presse,
fusillé pour collaboration avec l'ennemi 1901-1946): " 4
rue Girardon / (28 février 1942) La Rue Bottin c'est la
NRF et Cassou / Mon cher Confrère / Je suis enchanté des
excellentes intentions des Nx
Temps et me régale vous
le pensez bien de ces résolutions racistes. Crouzet sera
pendu avec moi si les choses tournent mal. Vous ne le
serez pas encore. Vous n'êtes pas encore tout à fait
perdu pour les Juifs, Jésuites, maçons, synarchistes,
curés, anglais, protestants, tièdes, mous, antisémites
vagues, dans le même bateau et sans fond et dans les
eaux de Nantes !
Tous ces gens pour moi se
raccrochent à cette civilisation pourrie - et doivent
disparaître. A nous le Racisme pour qq siècles au moins
! A propos d'espoirs radieux nous irons Almanzor et Gen
Paul (votre) admirer votre très gracieuse Florence jeudi
au pavillon Marsan mais de grâce ayez la bonté de lui
demander qu'elle supprime la conférence - ! même de
Lifar ! Nous voulons de la danse ! Seulement de la Danse
! Qu'on nous laisse les mots ! Vieillards nos pensums !
Quel feu follet plein de santé votre très gracieuse
Florence ! / Heureux père ! LF Céline. / [J'avais fait
pour elle un petit dessin animé]
(Trois lettres de Céline à Jean LUCHAIRE retrouvée
par A.Kaplan, Année Céline 1996, Du Lérot).
* Michel MARMIN (journaliste spécialisé dans le
cinéma, l'art contemporain et la musique): " Voyage au
bout de la nuit " a été accueilli comme
un
grand roman de gauche, célébré par Paul Nizan dans
l'Humanité et cité en exergue par Jean-Paul Sartre dans
La Nausée. Or, qui oserait soutenir en 2010 que
Louis-Ferdinand Céline est un écrivain de gauche ? Et pas
seulement à cause de ses pamphlets ! Le pessimisme foncier
de Voyage au bout de la nuit, son effroi devant la
modernité américaine, son pacifisme et son " antipatriotisme
" même, sont incontestablement " de droite " plus que " de
gauche ".
Bernanos et Daudet ne s'y étaient finalement
pas trompés. Si la grande littérature contemporaine
(mettons, depuis le XIXe siècle) est en effet plutôt " de
droite ", c'est parce qu'elle est beaucoup moins dogmatique
que la littérature " de gauche " et que, s'intéressant plus
aux destinées individuelles, donc à la liberté, qu'aux
destins collectifs, elle est moins tentée d'expliquer la
réalité avec une grille idéologique préfabriquée. " (Eléments,
juillet-septembre 2010).
*Gilles MARTIN-CHAUFFIER (journaliste, écrivain,
résistant): " (...) C'est extraordinaire ce don de la
France pour refuser de voir ce qui la dérange. François
Mitterrand
a longtemps fait son miel de cette myopie délibérée.
Quand un comportement ne convient pas, on détourne le
regard. Dans sa biographie de Françoise Giroud, Laure
Adler évoque avec des larmes dans l'encre les lettres
odieusement antisémites de la journaliste mais n'en cite
aucune ! De quoi a-t-on peur ? Et de qui ? Songez à
Céline, par exemple : Frédéric Mitterrand, qui a mis
vingt-cinq ans à prendre ses distances avec Ben Ali et
les plaisirs de sa cour, n'a pas mis vingt-quatre heures
à le chasser des cérémonies officielles prévues en 2011.
Tout cela est tellement bête. On sait bien que la morale
interdit tout ce qui est bon. Si on ostracise Céline,
c'est forcément sur lui que vont se jeter tous ceux qui
n'aiment pas qu'on leur dicte leur goût officiel.
C'est-à-dire tous ceux qui font le charme de la vie en
société et qui commencent à en avoir par-dessus la tête
des vieilles disputes sur l'Occupation, des silences,
des hypocrisies... Voyons notre inacceptable passé en
face. Au procès de Laval, on n'a pas parlé de la Shoah,
que de Gaulle évoque à peine dans ses " Mémoires de
guerre ! "
(Silence on commémore, Paris Match, du 3 au 9 février 2011).
*
Renaud MATIGNON
(journaliste, écrivain, critique
littéraire 1935-1998): " C'est dans Le Pont de Londres
que les mots se cassent, n'agissent plus. Après, c'est
le Céline inarticulé, muré dans son cri comme dans le
silence, étouffé par sa propre voix, qui s'acharne sur
ces phrases comme un prisonnier sur les murs de sa
cellule. Il peut bien nous
émouvoir, il n'est plus capable de nous toucher. Rien
n'est plus pathétique que cette œuvre qui laisse voir
ainsi sa déchirure. Parce que rien n'est plus pathétique
que destin, qui se contient tout entier. Ce qui est en
jeu ici, ce n'est pas seulement le livre suivant. C'est
le caractère même d'une œuvre, c'est une sensibilité,
c'est une mort : de cette mécanique déréglée, tout
s'ensuivra , jusqu'aux attitudes politiques, jusqu'aux
contradictions, jusqu'à la solitude irrémédiable d'un
esprit qui, acculé à sa propre négation , assume sa
fatalité avec une rigueur , avec un courage exemplaire.
Le style,
c'est l'homme ? Davantage. Le style, ici, fait l'homme.
Il commence par inventer, c'est le Voyage. A
partir duPont de Londres,
il est figé, il précède l'œuvre. Il est inventé. Mais il
se venge : il détermine, il conduit tout ce qui reste
d'une œuvre , d'une vie même. Comme privé désormais de
l'usage normal de la communication , Céline ne peut plus
qu'enchérir sur sa propre malédiction , forcer,
blasphémer, noircir, à mesure même de l'innocence de son
rêve - douceur d'un visage, tendresse, rêve de paix, et
d'une parole enfin reçue - qu'enferme à jamais la
rigueur de cet univers où le cri et l'aphasie se
rejoignent dans l'inaudible. "
(Le
centre de l'œuvre, mais aussi la rupture, la faille,
Mercure de France, juillet 1964, Les critiques de notre
temps et Céline, Garnier, 1976).
* Thierry MAULNIER
(journaliste, essayiste, critique littéraire et
dramatique 1909-1988, nommé à l'Académie française en
1964): " Chers amis, / Bien malade et à la hâte toute ma
gratitude pour votre intervention ! / La bête traquée
que je suis (et ma femme) depuis 7 ans ne sait plus à
quel diable on peut se vouer - de tôles en
concentrations. / Des amis qui tombent du ciel c'est
aussi du sacré miracle ! Y a pas que des bombes
atomiques ! Merde ! Je voudrais y aller devant la Cour
si j'ai la force encore ! Je loupe quelque chose. / Je
me prive. / Bien votre ami. / LF. Céline. " (lettre
du 15 février 1950, Lettres Pléiade 2010).
*
Yann MOIX
(journaliste, écrivain): " Louis-Ferdinand qui ?
Louis-Ferdinand Céline : le génie absolu. On pourra,
jusqu'à la fin des fins, retourner la question dans tous
les sens,
sur sa saloperie, son ignominie, son ceci, son cela ("
Je suis un vivant reproche "): le lire est toujours une
déflagration. Dans la moindre de ses lettres, il
explose. La moindre de ses remarques, de ses réflexions,
le plus inconséquent de ses agacements embrasent tout.
...
L'écriture (j'adore ce passage, monumental, fabuleux,
tellement vrai, tout y est, tout est là, il a tout
compris, tout !): " Je n'aime pas et je n'ai jamais aimé
écrire. Je trouve d'abord la posture grotesque - Ce type
accroupi comme sur un chiotte en train de se presser le
ciboulot d'en faire sortir " ses chères pensées " - !
Quelle vanité ! Quelle stupidité ! Ignoble ! Rien que le
mot écrire me fait me vomir, ce prétentieux vocable. "
Il écrit - " à fesser ! Immonde ! "
(Figaro littéraire, Lettres à A. Paraz, 21/5/09).
*
" J'aurais pu m'appesantir sur l'incroyable, inouïe,
faramineuse missive datée du 17 mars 1948 dans laquelle
l'auteur de Bagatelles pour un massacre se
considère, messianisme oblige, comme un... juif : " Vive
les Youtres ! " Mais je voudrais me concentrer sur ce
qui m'a toujours rendu amoureux fou de Céline : son
humour. Je veux dire : sa subversion. Ce laser qui, chez
lui, comme chez Proust, dont il est évidemment si
proche, perçoit l'humain comme personne. "
(Yann Moix, Le Figaro littéraire, mai 2009).
* Gabriel de
MONTMOLLIN (journaliste, directeur de musée) : "
J'avais vingt et un ans, j'étais en vacances, je suis
tombé sur Nord, j'ai été emporté. J'ai enchaîné
avec le Voyage au bout de la nuit et ça a été
radical. Je suis devenu célinophile, j'ai tout lu, même
les textes les plus abjects, Bagatelles pour un
massacre.
Céline est un
laboratoire qui permet de distinguer entre des idées
épouvantables et une écriture sublime. Il m'a donné le
goût de la littérature. "
(Gabriel de Montmollin, Le Temps, 25 novembre 2016).
*
Yvon MORANDAT
(journaliste, résistant 1913-1972): " (...) Sur les
conseils de Madame Chamfleury il occupa l'appartement
de Céline 4, rue Girardon après son départ le 17 juin
1944, qu'il prit soin de faire vider dans un
garde-meubles. Résistant, Compagnon de la Libération et
membre du M.R.P., le journaliste habitait l'appartement
en 1946 avec sa femme Monique (1920). A son retour du
Danemark, Céline refusa la restitution des papiers et
des meubles, arguant que les " définitifs manuscrits "
avaient été pillés par les épurateurs, thème repris dans
une lettre à Milton Hindus du 29 août 1947 : "
MORANDAT
[...] a jeté aux ordures mes manuscrits de trois romans
que j'avais en train... la fin de Guignol's ! ".
Les meubles, dont MORANDAT lui demandait de
régler les frais de garde à compter du 31 décembre 1951,
furent vendus après transaction. Dans la version C de
Féerie, Céline attaque le colonel " Oui Yvon
MORANDAT occupe mon local 4 rue Girardon - voilà un
homme qui doit tout à Hitler - sans Hitler ce pignouf
n'aurait jamais songé à venir faire des enfants dans mon
lit... "
(Du Danemark à Victor Carré). " (Le Petit Célinien
n° 10, 2009).
* NICE-MATIN (mon quotidien durant
25 ans passés sous les cieux niçois. Ce cours Saleya et
cette terrasse de café m'on permis, à moi aussi, en son
temps, de découvrir ce qu'était la socca...
" Photo d'Alphonse Boudard, Louis Nucera et Pierre
Monnier à une terrasse de café à Nice. Commentaire : "
Quand trois écrivains se rencontrent sur le cours Saleya
que font-ils ? Ils dégustent de la socca ! " Il est
rappelé que Pierre Monnier a été " grand ami de
Louis-Ferdinand Céline, de Prévert (sic, pour Paraz ?)
et d'Arletty ".
(L'Année Céline 1997).
*Paul NIZAN : (romancier, philosophe, journaliste,
critique à L'Humanité, 1905-1940) " Cet énorme roman est une œuvre
considérable, d'une force et d'une ampleur à laquelle ne nous habituent
pas les nains si bien frisés de la littérature bourgeoise... Céline
n'est pas parmi nous : impossible d'accepter sa profonde anarchie, son
mépris, sa répulsion générale qui n'exceptent point le prolétariat.
Cette révolte pure peut le mener n'importe où : parmi nous, contre nous
ou nulle part. Il lui manque la révolution, l'explication vraie des
misères qu'il dénonce, des cancers qu'il dénude, et l'espoir précis qui
nous porte en avant. Mais nous reconnaissons son tableau
sinistre du monde : il arrache tous les masques, tous les camouflages,
il abat les décors des illusions, il accroît la conscience de la
déchéance actuelle de l'homme. Nous verrons bien où ira cet homme qui
n'est dupe de rien. "
(L'Humanité, 9 décembre 1932).
*François NOURISSIER
(journaliste, écrivain,
académicien
Goncourt
1977) : " Il faut entendre ces réserves, il va sans dire
" au niveau le plus élevé ". C'est un de nos plus grands
écrivains que nous déplorons de ne retrouver ici que par
éclairs. Car les éclairs existent. Ils ne sont pas,
selon moi, dans les grandes scènes, les morceaux de
bravoure sur lesquels la publicité du dos du livre
attire notre attention, mais dans tel ou tel passage où
le vrai Céline perce sous l'écrivain que ses propres
tempêtes dévoyent et affolent.
C'est ainsi, pour avoir envie de lire
Le Pont de Londres,
qu'on cherchera, par exemple aux pages 307, 308 et 309,
un des plus beaux morceaux qui se puissent lire ici : le
Céline fou, tendre, déchiré, presque rien - l'évocation
d'un bistrot de marins et de voyous, des bateaux dans le
port - mais une poésie truculente et désespérée dont
l'écho, seulement l'écho, qui passe parfois sur ce
livre, nous fait quand même un devoir de le lire. "
(Ce
n'est plus toujours éblouissant, et c'est gratuit, Les
Nouvelles littéraires, 9 avril 1964, Les critiques de
notre temps et Céline, Garnier, 1976).
*Georges
OLTRAMARE (journaliste, militant fasciste, né
Charles Dieudonné 1896-1960): " Car, au fond, que
cherchait-il sous un amas d'immondices ? La petite fleur
bleue ? Poète irrité, s'il se complaît dans les
imprécations ordurières, dans les transports de lyrisme
alvin, s'il plonge dans la sanie et le pus, c'est pour
mieux rêver de féeries, de voiles vaporeux et de ballets
au clair de lune.
Relisez les dernières
pages de Bagatelles pour un massacre : " C'est
moi, l'empressé, le galant Ferdinand, le tourbillon des
dames. Je me surpasse !... Je suis théâtre, orchestre,
danseuses ! tous les " ensembles " à la fois... moi tout
seul. Je fais l'œuf... je sautille, je jaillis hors de
ma chaise ! Je personnifie toute la " Naissance d'une
Fée "... Toute la joie, la tristesse, la mélancolie.
Je suis partout !... J'imite les violons...
l'orchestre... les vagues entraînantes "... Mais lorsque
la Laideur provoque ce grand sensible, l'Obéron des
nuits enchantées cède la place au polémiste vociférant
pour qui l'Humanité est une foule d'étrons gonflés de
l'orgueil imbécile de se croire tombés au champ
d'honneur. "
(Les souvenirs nous vengent, Genève, 1956).
*
Jacques OVADIA (journaliste israélien, militant du
Mossad, puis membre de l'Internationale situationniste):
"
La seconde fois que je l'ai vu, il se plaignait de
violents maux de tête. Je ne sais pas pourquoi nous
avons parlé de la guerre. Je n'ai pas voulu lui parler
du conflit israélo-arabe. Je crois qu'il n'avait pas
envie d'en parler. Mais il tenait à me revoir, j'ai
perdu les lettres de cette période.
Ce qui l'intéressait, c'était surtout les nouvelles
d'Israël. Il en avait des échos assez justes. (...)
Israël avait pour lui un très long chemin de sueur et de
sang à accomplir avant de se retrouver libre. Il avait
toujours en tête l'idée d'un homme libre (Ben Gourion),
d'un homme très populaire et l'existence d'un Etat juif
lui avait ouvert les yeux. "
(Extrait de la revue universitaire israélienne
Levant n°4, octobre 1991).
*
André PARINAUD
(journaliste,
écrivain 1924-2006): C'est dans La Parisienne que
PARINAUD publia la première interview
de
Céline en 1953 après son retour d'exil. " Un chien aboie
longuement et furieusement. Marcel Aymé et moi, nous
stationnons devant une petite porte verte qui défend
l'entrée d'un jardinet. Une pluie tenace, lente,
pénétrante, a transformé les chemins en cloaques. Le
paysage, lavé de toutes couleurs, gonflé d'eau, semble
incapable de retenir le moindre éclat de la lumière qui
descend, filtrée et déjà livide, du ciel gris... "
*
" Comme on le dit d'un grand vin, quand on écoutait
parler Céline, il avait son style en bouche. En
l'écoutant, on le lisait, on le dégustait. On nous dit
aujourd'hui que le verbe est dans nos gènes et on peut
croire, en effet, que la littérature célinienne a jailli
de son expression verbale. C'est en tout cas la première
impression que j'ai éprouvée dès notre rencontre. "
(B.C. sept. 2006).
* Paris-Match
(magazine hebdomadaire d'actualités et d'images crée en
1949): " Monsieur, / Je sais bien que les lecteurs
de
Match ne tiennent pas absolument à connaître la
vérité, ils veulent rigoler, cela leur suffit, et bougre
je n'y vois aucun inconvénient. Seulement, je vous
prierais de leur faire connaître quand même,
car ce détail est très important, que je n'ai jamais
rédigé la nuit dans un entresol de Montmartre des
pamphlets d'un racisme véhément
(romantisme grotesque). Ni la nuit ni le jour, tout
simplement jamais.
Votre bonne foi a été surprise, si j'ose dire ! Je ne
demande jamais des nouvelles de Sartre, c'est une
vermine que j'ai déjà naturalisée une fois pour toute,
dans une lettre à l'Agité du Bocal que vous
trouverez chez Paraz. / Salut et vive la prochaine. / L.
F. Céline. "
(lettre du Danemark, le 26 août 1949).
*
Louis PAUWELS
(écrivain et journaliste, 1920-1997 : " C'est dès 1949
que PAUWELS
correspond avec l'exilé et le défend dans l'hebdomadaire
Carrefour. En janvier 1950, il prend position en
faveur de l'écrivain dont le procès aura lieu le mois
suivant
devant la Cour de Justice : " Je crois savoir que
Céline ne viendra pas. J'aurais aimé qu'il se présente
devant ses " juges ". Il ne risque pas grand-chose. Ce
sont les juges qui risquent. Ils s'exposent à un immense
ridicule. Ils s'exposent aussi, ils continuent de
s'exposer à notre dégoût depuis l'assassinat de
Brasillach. Mais si Céline ne vient pas, c'est qu'il ne
reconnaît pas à ces " juges " le droit d'agir au nom de
la justice. En ce sens, il nous donne, encore une fois,
un exemple et une leçon. "
(BC n°283, février 2007).
* "
Vers l'âge de quinze ans, deux livres m'ont déniaisé.
Voyage au bout de la nuit, de Céline, que m'avait
déconseillé un ami, sous le prétexte que c'était mal
écrit et scandaleux ! j'y ai entendu brusquement une
musique nouvelle et j'ai été saisi pour toujours par la
poésie anarcho -populaire de ce livre, que j'ai relu
plus de vingt fois. Les Jeunes Filles, de
Montherlant, ont eu aussi sur moi une influence
considérable (...) Ces deux livres sont venus à moi au
même moment, plus ou moins mystérieusement. J'ai le
sentiment qu'ils m'ont choisi. La grande aventure de ma
vie, ce sont les livres. "
(Lire, été 1996).
*
Henri PHILIPPON (Journaliste à L'Intransigeant
avant-guerre ) : " Henri PHILIPPON devint d'août
à octobre 1940 l'un des trois secrétaires de rédaction,
avec Henri
Coston et Paul Albert, de La France au Travail, "
grand quotidien d'information au service du peuple
français ", qui parut de juin 1940 à mai 1941 sous la
direction de Jean Drault, puis de Charles Dieudonné. Y
écrivaient Jean Fontenay, Urbain Gohier, Eugène
Schueller, Titaÿna et George Montandon.
Montmartrois, habitué de l'atelier de Gen Paul, Henri PHILIPPON
rencontre Daragnès, et tente de résoudre le conflit qui
oppose Céline aux Editions Denoël. Il effectue deux
voyages au Danemark, en novembre 1947 et en janvier
1948, servant d'intermédiaire entre l'écrivain et les
éditions Fasquelle. Entre 1947 et 1948, il reçoit de
Céline une vingtaine de lettres et sa " Réponse aux
accusations... "
Employé aux Editions de L'Elan où Albert Paraz
publie son Gala des vaches, contenant le pamphlet
de Céline contre Sartre, PHILIPPON propose au
jeune imprimeur Pierre Lanauve de Tartas de réaliser
A l'agité du bocal en plaquette et signe le bon à
tirer. L'écrivain se brouille avec PHILIPPON en
décembre 1948 quand il imagine avoir des droits sur ce
pamphlet. Depuis la mort de Denoël, Céline voulait
disposer de toutes ses publications comme bon lui
semblait. "
(Eric Mazet et Pierre Pécastaing, Images d'exil, Du
Lérot, 2004, p.241).
* Bernard PIVOT : Commentant
la sortie des
Lettres à la N.R.F. : " Parfois, Gaston Gallimard
trouve que Céline y va un peu fort et lui reproche,
toujours avec courtoisie, son ingratitude, ses
suspicions, ses foucades, ses diatribes injustifiées . -
" En attendant votre prochaine engueulade, croyez-moi
tout de même votre... "
(...) " A propos de Sagan, alors que Céline avait dû se
plaindre une nouvelle fois du peu d'empressement du
public à acheter ses livres, Roger Nimier lui avait
répondu : - " Nous sommes loin de Sagan, bien par votre
faute, vous n'avez que des accidents de guerre et pas
d'accidents de voiture. "
(Lire, nov. 1991).
*
Patrick POIVRE D'ARVOR
: Rediffusion :
Une maison, un écrivain. Série documentaire proposée
par Patrick POIVRE D'ARVOR. Le reclus de
Meudon (2011).
Un
épisode écrit et réalisé par François Caillat, diffusé
la première fois sur France 5 le dimanche 24 juillet
2011 et rediffusé ce vendredi 7 juin 2013, 20 h. Durée
26 mn.
(Le
Petit Célinien, lepetitcelinien.com, 7 juin 2013).
*
Michel POLAC
: " Je vous signale que j'ai consacré déjà plusieurs
émissions depuis 20 ans à Céline, que j'ai souvent parlé
de Drieu La Rochelle, que j'aime beaucoup, mais ne
comptez pas sur moi pour parler de Châteaubriand,
Brasillach et Chak (sic), écrivains que j'apprécie fort
peu et qui se sont déshonorés pendant l'occupation sans
l'excuse du génie. "
(Lettre en réponse à une demande de réalisation
d'émission télévisée de Franck Peyrot
pour le Club
Alphonse de Châteaubriand, 1984).
*
Elisabeth PORQUEROL : (Journaliste, romancière,
critique littéraire) " C'est du langage-torrent : ça oui
; c'est du Parler. Certes, Céline a secoué l'Ecrit comme
un prunier. Vingt ans avant les mass-media, il a senti
l'antigutenberg. Il s'est servi des mots en visuel.
Céline, ça ne se lit pas, ça vous saute aux yeux, c'est
du cinéma écrit ; et en surimpression: la voix. Une
étrange voix, qui monte et qui descend, aiguë et
profonde, sourde, lointaine et pleine de sanglots ou de
hurlements, la voix de la souffrance, de l'amour et de
la honte, la voix humaine.
Céline est un moraliste et, parmi les grands moralistes
français, l'un des plus indignés. La secousse qu'il a
provoquée est loin d'être apaisée, si l'on en croit
notre ami Jean-Louis Bory : " Le fantôme de Céline
commence seulement à tirer les pieds des dormeurs.
Céline commence seulement à vivre. Et tout le monde
tremble... " Tant mieux. "
(Elisabeth Porquerol, La Guilde, Lausanne, février 1973).
*Françis PUYALTE (journaliste a travaillé pour
Paris-Jour, l'Aurore et le Figaro. A la retraite.
Cela lui confère la liberté de dénoncer sans fard ce
qu'il nomme l'Inquisition médiatique) : Ca a débuté
comme ça. Moi, j'avais rien dit, seulement sonné. Roxane
est arrivée la première, au
galop
du fond du jardin, tous crocs dehors. Dans son sillage,
Fun se prenait pour un loup. Feindre la hargne est une
vieille habitude de la maison. Il ne faut pas s'y
laisser prendre. Quelques caresses et on copine. Tout de
même, on n'entre pas dans l'univers célinien comme à la
Sainte Chapelle. Rien n'a changé au fond, route des
Gardes à Meudon. Si, quelque trente années sont passées.
On n'y voit plus Michel Simon, Arletty, marcel Aymé,
Blondin ou Nimier. Et on n'y garde plus qu'un souvenir,
mais si passionné, si compromettant, toujours en
éruption... Encore un journaliste, un voyeur, un dévot
en extase, un célinomane à deux doigts de l'overdose.
On n'en finira donc jamais avec le scandale. Avec ce
brasier. Le feu de l'enfer. Lucette est fatiguée de tout
ça. La candeur, la douceur, la grâce, encore et toujours
confrontés à cette lave en fusion : Louis-Ferdinand
Céline, son mari. Et on trouve des gens pour dire : " Ce
sera pareil en l'an 3000. " la maison de style
louis-philippard perchée sur les hauteurs de Meudon sera
ou ne sera pas classée comme " lieu de mémoire ". Peu
importe. Désormais, Lucette s'en moque. Elle y tenait
seulement pour les animaux, les compagnons du malheur,
tous enterrés là, Bébert le chat, Toto le perroquet,
Bessy la chienne, et tant d'autres... A présent, elle
n'attend plus que le repos éternel. "
(Les souvenirs de la femme de Céline, BC n°127,
avril 1993).
*Charles RICKARD(journaliste, préfet,
écrivain de la vie politique) : " J'avais reçu un pneumatique... Céline
annulait notre rendez-vous. Il ne voulait plus voir de journalistes.
(...) Venant d'un homme que je plaçais si haut, ses propos sur la
jeunesse me paraissait injustes, blessants. " Vous écrivez, Céline que
j'admire, vous écrivez que la jeunesse, au sens romantique du mot,
n'existe pas. Je ne vois en fait de jeunesse qu'une mobilisation
d'ardeurs apéritives, sportives, spectaculaires, automobiles, mais rien
de neuf. " Bourrage de crâne six jours sur sept, le ciné, le stade ou
les filles et, au bout de quelques années de ce régime, le diplôme qui
vous marque au coin comme une méchante pièce de cent sous pur nickel,
tel est le sort des étudiants, devez-vous penser.
Le plus beau, c'est que tout en jouant son destin, la nouvelle
génération n'en continue pas moins à rire, à rire, quitte à se faire
taxer de légèreté ou d'inconscience ou d'inconvenance par tous ceux qui
n'ont pas connu cet état d'esprit quand ils étaient jeunes parce que
précisément cet état d'esprit n'existait pas encore. " (Lettre ouverte à L. F. Céline, Oui, la jeunesse, janvier 1934).
*Jean-Marie
ROUART (journaliste, romancier, académicien depuis 1997) : " Là où
il est, il y a quelqu'un qui a dû bien s'amuser du tohu-bohu qu'il a
provoqué, c'est Céline. Le grand vociférateur d'apocalypse, massacreur
d'idées reçues et ange exterminateur des grandeurs d'établissement a dû
se payer une bonne tranche de rigolade à l'idée que la République allait
le commémorer, à l'instar de Victor Hugo ou de Paul Valéry et des
grandes figures humanistes qu'il exécrait. D'où vient le malentendu ? De
ce
que nous considérons que les œuvres de l'esprit enrichissent forcément
le patrimoine de l'humanité et qu'elles devraient être, par essence,
bénéfiques à la société. Outre ses pamphlets antisémites qui font de lui
un Rabelais de l'abjection, il appartient à cette catégorie d'écrivains
de talent, comme Brasillach ou Drieu La Rochelle, qui sont l'incarnation
de la défaite de la pensée française devant les séductions barbares et
délétères du nazisme. Ce qu'ils ont trahi, plus que leur patrie, c'est
un idéal qu'à travers les avatars les plus divers les écrivains n'ont
cesser d'illustrer. Cette infamie inguérissable, l'Etat ne doit pas
l'absoudre. On ne peut exonérer les écrivains de leurs crimes au nom du
génie.
Pour autant, cela ne
signifie pas qu'on doive les bannir des bibliothèques ou des programmes
scolaires. La littérature n'est ni un cours d'instruction civique ni une
chaire pour l'édification des familles. Il faut lui laisser la liberté
d'être subversive, dérangeante, provocante et même abjecte. Le cardinal
de Bernis disait : " Je préfère le paradis pour son climat, mais l'enfer
pour ses fréquentations. " Je comprends qu'on puisse aller se brûler
avec l'œuvre sulfureuse de Céline, et même au milieu de ses
vociférations obscènes. Mais que l'Etat, de son côté, ne se suicide pas
en se mêlant de célébrer un écrivain qui appelle au meurtre de la
civilisation. "
(Devoir d'insolence, Paris-Match du 3 au 9 février 2011).
*André ROUSSEAUX
(journaliste, critique littéraire au Figaro) : " Cher confrère, /
Mais non ! J'écris comme je parle, sans procédé, je vous prie de le
croire. Je me donne du mal pour rendre le " parlé " en " écrit ", parce
que le papier retient mal la parole, mais c'est tout. Point de tic !
Point de genre en cela !
Une langue c'est comme le reste, ça meurt tout le temps, ça doit
mourir. Il faut s'y résigner, la langue des romans habituels est
morte, syntaxe morte, tout mort. Les miens mourront aussi, bientôt
sans doute, mais ils auront eu la petite supériorité sur tant d'autres,
ils auront pendant un an, un mois, un jour, VECU. Tout est là. Le reste
n'est que grossière, imbécile, gâteuse vantardise. / Votre ami. /
Céline. " (Lettres 2009, à André Rousseaux, 24 mai 1936).
*
Eugène SACCOMANO
: " Eugène SACCOMANO, c'est beaucoup plus qu'une
voix, c'est un divin babil par la magie duquel
l'audition d'un match de football à la radio devient un
plaisir rare et précieux. Eugène SACCOMANO
c'est beaucoup plus qu'un journaliste, c'est le dernier
lyrique, un moderne troubadour qui tient le commentaire
sportif
pour un des beaux-arts. On savait son inspiration dopé à
la lecture de Louis-Ferdinand Céline. Admirateur zélé du
romancier, il eut même l'élégance d'inviter sa veuve
Lucette Destouches dans la tribune de presse du Parc des
Princes lors d'une finale de la Coupe de France. Les
céliniens intégristes retranchés dans leurs cénacles,
derrière leur érudition, leurs reliques et leur passion
exclusive s'en indigneront ou en souriront:
SACCOMANO
publie aujourd'hui un roman dont Céline est l'un des
personnages principaux... "
(Sébastien
Lapaque, Le Figaro, 16 septembre 1999).
*
" J'ai commencé à le lire à l'armée. Le Voyage
m'a passionné. Et Céline, fasciné. A la fois l'écrivain
et la vie fantasque du personnage. Même dans ses
pamphlets, épouvantables, il a un talent extraordinaire
! " (Médias, n° 28, printemps 2011, BC n°329).
* " Je suis
amoureux de toute l'œuvre de Céline, mais je ne vois pas
l'intérêt de rééditer les pamphlets. Tous ceux qui
connaissent bien cet écrivain se les sont procurés !
bref, à part relancer une polémique et mettre à
disposition un texte problématique, Gallimard ne va rien
gagner. " (BibliObs, 8 janvier 2018).
* Léa SALAME (journaliste
franco-libanaise) : " En marge de la commémoration du
cinquantenaire de la mort de Le Corbusier dont certains
découvrent aujourd'hui l'attrait pour le fascisme.
" Ça
me rappelle, en 2011, les cinquante ans de la mort de
Céline : La France voulait le célébrer puis il y a eu
une polémique qui disait : non, on ne va pas célébrer ce
collabo. Il faut répéter que Le Corbusier était un
immense urbaniste, qu'il faut célébrer ce qu'il a fait,
sans nier sa part d'ombre.
De la même façon, moi j'étais partisane de la
célébration de l'immense écrivain qu'est Céline ! "
(Léa Salamé, On n'est pas couché, France 2, 16 mai
2015, dans BC n°375, juin 2015).
* Claude SAMUEL
(journaliste, critique musical, producteur de disques,
homme de radio et de télévision ) : " Notre société
mécanique et informatique a encore besoin de symboles.
Mais pour ce qui est de Céline, dont nul ne met en cause
la forme de l'écriture, ni l'influence dans le mouvement
littéraire contemporain, c'est la présence dans la
collection de la Pléiade (cinq volumes !) qui constitue
le signe le plus tangible de sa trace - de même que le
succès permanent des opéras de Wagner dans les grands théâtres
du monde, et la persistance du culte rendu annuellement
à Bayreuth, éclipsent les anathèmes lancés, par exemple,
et malgré le combat raisonné de Daniel Barenboim, en
Israël. l'antisémitisme de l'un comme de l'autre est
avéré, non-exempt d'arrière-pensées : jalousies à
l'égard de rivaux encombrants chez Wagner (Ah !
Meyerbeer...), anarchisme tout terrain chez Céline. Pas
une excuse certes, mais un élément de compréhension.
Je lis, sous la
signature de Jacob Katz, dans Wagner et la question
juive : " Les acteurs d'une période historique donnée ne
sont évidemment pas toujours en mesure de prévoir
précisément les suites de leurs gestes, et on ne peut
leur en imputer l'entière responsabilité " indulgence
que la suite tempère : " Mais, même s'il n'est pas
possible de connaître à l'avance les conséquences de nos
actes, la simple supposition de ce qui pourrait en
ressortir implique un certain degré de responsabilité
morale. " Quant à Céline, il est désormais exclu de le "
célébrer " ; nul doute que cette affaire mobilise
quelques bataillons de nouveaux lecteurs. "
(Céline, Natalie Dessay, Wagner, 24 janvier 2011,
sur le blog de Claude Samuel).
*Claude
SARRAUTE
(journaliste et femme de lettre, fille de Nathalie
Sarraute, épouse de Jean-François Revel) : " - Moi j'ai
fait passer le langage parlé à
travers l'écrit. D'un seul coup.
- Ce passage est ce que vous appelez votre " petite
musique ", n'est-ce pas ?
- Je l'appelle " petite musique " parce que je suis
modeste, mais c'est une transposition très dure à faire,
c'est du travail. Ça n'a l'air de rien comme ça, mais
c'est calé. Pour faire un roman comme les miens, il faut
écrire 80 000 pages à la main pour en tirer 800. Les
gens disent en parlant de moi : " Il a l'éloquence
naturelle... il écrit comme il parle... c'est les mots
de tous les jours... ils sont presque en ordre... on les
reconnaît. " Seulement voilà ! c'est " transposé ".
C'est juste pas le
mot qu'on attendait, pas la situation qu'on attendait.
C'est transposé dans le domaine de la rêverie entre le
vrai et le pas vrai, et le mot ainsi employé devient en
même temps plus intime et plus exact que le mot tel
qu'on l'emploie habituellement. On se fait son style. Il
faut bien. Le métier c'est facile, ça s'apprend. Les
outils tout faits ne tiennent pas dans les bonnes mains.
Le style c'est pareil. Ça sert seulement à sortir de soi
ce qu'on a envie de montrer. "
(Interview avec Claude Sarraute, Le Monde, juin 1960).
*
" Céline est un génie. Ses deux premiers livres sont
géniaux. Je suis allée l'interviewer à Meudon. Il était
génial. On oubliait alors les horreurs qu'il avait
écrites ailleurs. Sa folie. Sans Céline, il n'y aurait
pas eu Coluche. "
(Réponse à Gérard Miller chez Laurent Ruquier, Spécial Céline n°8, E.
Mazet).
*
Pierre SCIZE(né Michel-Joseph PIOT,
journaliste, fait unique, il prit le nom d'un quai de
Lyon où il flânait un jour, 1894-1956): " Ceux qui
n'aiment pas Céline ? Ah ! comme je les reconnais bien
tous. C'est l'innombrable troupeau de ceux qui acceptent
tout
de cette vie, que rien ne révolte, qui composent avec
toutes les saletés, pactisent avec toutes les
injustices. Ce sont les quiets, les résignés, les tièdes
- ce vomissement de Dieu ! - ce sont les satisfaits, les
béats, les pourvus. Tout, ils acceptent tout d'une
société marâtre, ils acceptent la guerre, la misère, le
taudis, la sottise triomphante écrasant, de son ventre
immonde, la face auguste du pauvre exposée aux crachats,
l'enfance pourrie, la vieillesse déshonorée. Tout vous
dis-je !
J'ai voulu, pendant qu'il n'y a encore rien entre nous,
lui tirer ici mon chapeau.
Céline, vous pourrez bien désormais dire
et faire tout ce que vous voudrez. Vous avez donné une
voix au désespoir humain. Une voix qui ne se taira plus.
Pour nous qui espérons quand même, ayant entendu votre
cri, nous allons travailler - sans vous ? Tant pis. Tant
pis pour vous ! - à donner à la Société des hommes un
visage moins lugubre, un aspect moins sordide. Même si
vous condamnez notre effort, je vous le dis : " Vous
nous aurez aidé à l'entreprendre. "
(Ceux
qui n'aiment pas Céline, Moscou 10 septembre 1936, Les
critiques de notre temps et Céline, Garnier, 1976).
*
Alain Gérard SLAMA
(journaliste) : " Nous avons été sidérés, pendant les
grèves que nous venons de subir, d'entendre des
intellectuels pleins de suffisance évoquer doctement "
une crise de civilisation. Nous avions envie de leur
lancer, sur le ton gouailleur de Céline : " Et la
faillite des élites, dis, t'en causes pas ? " La
faillite des pouvoirs, des experts, des professeurs, la
faillite d'une génération qui, mentalement bloquée par
le gigantisme cliquet du millénaire, a tout jugé
obsolète, tout rejeté en bloc,
l'Etat, la nation, les principes républicains, et qui
s'est ôté ainsi les moyens de former des hommes libres
et responsables. "
(Le Figaro Madame, 6 janvier 1996).
*
Philippe TESSON
(journaliste) : " On a assez dit que Céline est fait
pour la voix, fait pour être dit, pour être chanté, un
peu à la manière des chants religieux
d'autrefois, qu'on psalmodiait dans les cryptes, des
chants tragiques, des chants de mort. On sait tout
aujourd'hui sur le soin particulier que l'écrivain
apportait à la musique de son écriture. Cette musique a
un vibrato très personnel, presque monotone,
mélancolique, doux, fatigué, elle est au diapason exact
de ce qu'elle veut dire. Le désespoir. Lorsque
Jean-François Balmer ouvre son " récital " Céline sur la
scène de L'Œuvre,
c'est immédiatement cela qui vous frappe : la justesse
de l'écho, la beauté de cette espèce de lamento qui ne
va pas vous quitter durant une heure et demie. Il y a
cela, et il y a la lumière, ou plutôt les ténèbres, ce
clair-obscur, ces nuages sombres qui courent sur l'écran
en fond de scène, ces ciels de cendre à la Mouchette,
une pénombre de guerre, de misère, de mort. Une mise en
images dramatique que l'on doit à Tristan Sebenne et à
Nathalie Brun.
Enfin et surtout,
il y a l'acteur, Balmer, mis en scène par Françoise
Petit. L'acteur comme animal physique : la silhouette
accablée, le poids de la condition humaine sur les
épaules. Et le visage, la gueule plutôt, cette étonnante
grimace torturée, ce regard halluciné. C'est avec tout
son corps, toute sa personne que joue et que souffre et
que pleure Balmer. Impressionnant de vérité. Il dit le
Voyage. Quelques extraits de la première moitié de
l'ouvrage, tirés des quatre grands chapitres qui le
constituent : " La Guerre ", " L'Afrique ", " L'Amérique
", " La Banlieue ". Les morceaux retenus sont autant de
jalons qui mènent au bout de la nuit. Ils ne résument
pas vraiment le livre - comment serait-ce possible en si
peu de temps ? - mais s'articulent tous autour d'un même
critère : la mort. C'est d'une noirceur terrible. "
Un sacré spectacle
", comme dirait Céline. Admirable. "
(Le Figaro-Magazine, 21 décembre 2012).
*
Bruno TESTA
(journaliste et romancier ) : " Être jugé pour
immoralité par l'auteur de La Mauvaise Vie, qui
lui en revanche parade au ministère de la Culture et ne
craint pas de défendre Polanski accusé de viol sur
mineure, aurait certainement fait rire l'auteur du
Voyage au bout de la nuit.
Comme l'aurait fait rire
d'avoir pour professeur de morale le
Crif, lequel a approuvé l'opération israélienne "
Plomb durci " en Palestine qui a tout de même fait 1 400
morts dont plus de la moitié de civils. "
(BC n°328, mars 2011).
*
Jean-Pierre THIBAUDAT (journaliste, de 1978 à 2006
responsable de la rubrique théâtre, culture et grand
reporter à Libération. Puis de 2006 à 2016
conseiller
artistique
du festival Passages à Nancy et Metz).
En 2021, il déclare posséder des documents et écrits volés de
Louis-Ferdinand Céline depuis près de quatre-vingts ans.
Un mètre cube de papiers personnels, manuscrits et
textes inédits notamment 600 feuillets de Casse-pipe,
et un roman intitulé Londres. Les ayants droit
Véronique Robert-Chovin et l'avocat François Gibault
portent plainte contre lui pour recel de vol. Voici sa
version des faits :
" Un
coup de fil au journal Libération où je
travaillais alors. On veut me voir. Me donner des
documents ayant appartenu à Louis-Ferdinand Céline. Je
crois un instant à un canular. Sait-on jamais ?
Rendez-vous est pris. La personne ne vient pas les mains
vides mais avec un tombereau de documents. A l'évidence,
la personne semble vouloir s'en débarrasser. Sa veuve
Lucette ? Il ne veut pas entendre parler de la famille
de Céline, pour des raisons sans doute politiques ou
ayant trait à l'antisémitisme de l'écrivain. La
rencontre ne dure pas. Il n'est pas question d'argent.
Je ne reverrai jamais cette personne mais je tiendrai
parole : je ne remettrai pas le contenu du tombereau -
dont j'ignore alors tout - à Lucette Destouches. "
(Le trésor retrouvé de Louis-Ferdinand Céline, Médiapart, 6 août 2021).
* Nicolas UNGEMUTH
(journaliste et critique littéraire. Spécialiste des
sixties) : " Louis-Ferdinand Céline utilisait
régulièrement une image pour définir son travail
d'écrivain et son pétrissage de la langue : " Si vous
prenez un bâton et si vous voulez le faire paraître
droit dans l'eau, vous allez le courber d'abord, parce
que la réfraction fait que si je mets ma canne dans
l'eau, elle a l'air cassée. Il faut la casser avant.
C'est un vrai travail. "
Michel Laclos
ne fait rien d'autre : il trouve une pensée bien tordue
qui donnera, verticalement ou horizontalement, un mot
tout droit ! "
(Esprit tordu pour mots croisés. Article consacré au
cruciverbiste Michel Laclos, source non indiquée,
Suisse, dans L'Année Céline 2016, Du Lérot, éditeur, Les
Usines Réunies, 1er juillet 2017).
*
Ole VINDING (journaliste, écrivain danois
1906-1985): " Huit ans après Marcel Proust, quelqu'un
parvenait de nouveau à
violenter
la langue pure, classique, des mandarins. Toutes les
règles apparaissaient enfreintes, les grammairiens
s'arrachèrent les cheveux. Proust avait utilisé la
langue pour exprimer l'intuition de la mémoire, Céline,
lui, écrivait ce qu'avec fureur on considérait comme la
boue du caniveau, mais qui, comme chacun peut le voir
aujourd'hui, était le globule le plus rouge du sang qui
donnait une nouvelle vie à un vieil organisme anémié.
Céline
était un être phénoménal. Ses dons étaient lumineux, sa
mémoire éléphantesque, ses colères volcaniques et ses
détresses insondables comme des gouffres. Ils ruinèrent
sa santé, sa vie quotidienne, ses nuits, et finirent par
le tuer. Chaque rencontre avec lui ébranlait le système
nerveux; il forçait son visiteur à éprouver la plus
poignante compassion jusqu'à l'épouvante la plus salée
ou la plus cuisante indignation devant l'injustice, tant
celle du monde que celle de Céline lui-même. Mais après,
l'orage faisait place à une tranquillité d'esprit. On le
quittait toujours dans un état chaotique, mais on
pensait toujours à lui en parfaite sérénité. "
(Exposé à la radio danoise, 26 juillet 1969, BC n°258,
nov.2004).
*
Louis-Albert
ZBINDEN
: Ce journaliste suisse
effectua, à Meudon, en juillet 1957, une interview de
Céline qui fit, plus tard l'objet d'une réalisation
discographique épuisée aujourd'hui :
"
Peu après, on nous
informait que Céline consentait à rencontrer la presse.
Je soupçonne Nimier de l'avoir convaincu d'accepter
cette corvée. Aucun journaliste ne l'escomptait. On nous
offrit Céline sur un plateau. Nous nous précipitâmes...
Assis face à face, je mis mon magnétoscope en marche et
lui posai mes questions. Il se livra. Allai-je avoir une
confession ?
Ce fut un numéro.
Céline était plus vrai dans le lyrisme que dans la
sincérité. Je le mis sur les Juifs, il se défendit ; sur
la politique, il attaqua. Il finit par sa mère, et c'est
moi, la gorge nouée, qui ne pouvait plus dire un mot. "
(La
Nouvelle Revue de Lausanne, septembre 1971).
*
Eric
ZEMMOUR
(journaliste):
Lors d'un entretien le journaliste Paul Amar avait
reproché à Eric ZEMMOUR son style célinien
et s'est déclaré scandalisé lorsque ZEMMOUR
avait trouvé cela flatteur : " Concernant Céline, nous
en revenons au statut de l'écrivain et de la
littérature. Sartre disait " Que restera-t-il de nous ?
Céline. Sartre ! C'est dire ! A mon sens, Céline est le
plus grand écrivain du XXe siècle - j'ai longtemps
hésité avec Proust et Aragon.
Aujourd'hui, Céline est devenu une insulte
suprême parce qu'il était antisémite. Puisqu'on ne peut
pas me traiter de nazi, on me dit antisémite. C'est à la
fois habile et grotesque. Je ne pensais pas qu'on me
ferait ce coup-là. Apparemment, le fait d'être juif ne
me protège pas de ce type d'attaque. Je trouve cela
intéressant... "
(Magazine des Livres n° 9, 2008).
* " Céline est un
immense écrivain. Bagatelles pour un massacre
est d'une fureur effarante. Sa haine des juifs finit par
relever du délire psychiatrique. On peut être un génie
et un salaud. Céline est l'incarnation de ces anciens
combattants de la guerre de 14 qui avaient érigé la paix
en valeur suprême, qui deviendront antisémites et
collabos par pacifisme et refus absolu de la guerre
contre l'Allemagne. " Je préfère être un Allemand vivant
qu'un Français mort " disait Giono qui fut lui aussi
inquiété à la Libération. Il ne faudrait plus étudier
dans les écoles Aragon qui célébra dans ses poèmes la
Tcheka qui tortura et massacra à qui mieux mieux. "
(RTL Matin, 11 janvier 2011).
*
" Dans quelques années,
des voix contesteront la commémoration de Voltaire qui
s'enrichit honteusement dans la traite triangulaire.
L'esclavage n'est-il pas, lui aussi, un crime contre
l'humanité ? Le même Voltaire n'était d'ailleurs pas
avare de réflexions antisémites. Mais si l'auteur de
Candide résiste à ses assauts, il ne manquera pas
de bonnes âmes pour expliquer ce " deux poids, deux
mesures " par la puissance inégalée du lobby juif.
Messieurs Klarsfeld et Mitterrand auront bien travaillé.
"
(Autres réactions, BC n° 327, février 2011).
*
Benny ZIFFER
(critique littéraire du
journal israélien Haaretz) : " La parution du
Voyage au bout de la nuit est le sujet de discussion
à la mode en ville, mais les gens ne savent pas qui est
Céline. Ils parlent du roman comme s'il était antisémite
alors qu'il ne l'est pas et qu'il a été publié bien
avant la guerre. C'est un scandale artificiel.
Je pense que les jeunes d'aujourd'hui
s'en moquent, ils en ont assez du climat lourd entourant
l'Holocauste. "
(Libération, cité par P. Haski, 10 février 1994).